LES ENGAGEMENTS
Les chartes parties de 1920.
Telles quelles, les trois
chartes parties types et,
encore, la charte partie de
Cancale ne s'appliquait-elle
qu'à bien peu de navires
marquaient, certes, un progrès
appréciable sur le régime
antérieur. Certaines
dispositions archaïques et
draconiennes en avaient disparu
et, exception faite de la charte
cancalaise, leur interprétation
et, par suite, les règlements de
comptes devenaient plus faciles.
Toutefois, à l'usage, il
apparut qu'il était encore
possible de supprimer ou de
modifier certaines dispositions
critiquables, d'apporter des
simplifications ou des
précisions à des clauses encore
obscures. Il fallait également
tenir compte d'un fait nouveau
très important, l'entrée en
service des chalutiers à vapeur,
plus nombreux d'année en année,
et sur lesquels les conditions
du travail, comme aussi la
rémunération des hommes
supposaient des conditions
d'engagement totalement
différentes de celles adoptées
par les voiliers.
En outre, depuis 1919, la
loi de huit heures avait été
rendue applicable à la marine
marchande et il convenait,
également, d'adapter les clauses
relatives à l'organisation du
travail à bord, au principe
qu'elle venait consacrer. Une
commission fut donc chargée, par
arrêté du 8 janvier 1920,
d'élaborer une charte partie
type de travail et de
recrutement des navires de
Grande Pêche. La présidence en
fut confiée à M. le Conseiller
d'Etat Jules Gautier.
Grâce à la bonne volonté et
à l'esprit de conciliation dont
ne cessèrent de faire preuve les
représentants de l'armement et
ceux des inscrits maritimes,
l'accord se fit rapidement au
sein de cette Commission et, le
3 mars 1920, étaient notifiés
trois contrats types qui, malgré
la date tardive de leur
promulgation devinrent, dès la
campagne 1920, la charte des
armements pour Terre-Neuve et
Islande
Tous les armements sont
donc, actuellement, faits
suivant l'une des chartes
parties suivantes :
1°) Charte
partie des chalutiers à vapeur
(Terre-Neuve et Islande).
2°) Charte
partie des voiliers de
Terre-Neuve.
3°) Charte
partie des voiliers d'Islande.
a)
Pour les chalutiers.
Compte tenu des différences
essentielles résultant de la
technique de la pêche, la charte
partie type des chalutiers à
vapeur semble inspirée de
l'ancienne charte partie des
voiliers de Fécamp (engagement
au cinquième).
Aux termes de l'article 15,
il est, en effet, alloué à
l'ensemble de l'équipage un
cinquième du produit net de la
pêche, réparti suivant les
usages locaux. (Le produit net
s'entend du prix de livraison au
port d'armement et à
Saint-Pierre-Miquelon.) En cas
de transbordement sur chasseur
ou wagon ou livraison dans un
autre port, tous les frais
engagés pour augmenter les
recettes seront déduits du
montant du compte de vente. II
convient d'y ajouter le fret des
marchandises ou morues, même de
celles appartenant à l'armateur
et la moitié du fret des
passagers à destination ou en
provenance de
Saint-Pierre-Miquelon.
En plus du cinquième, il est
alloué aux matelots sans
spécialités, chauffeurs et
soutiers, une gratification de
fin de campagne de :
150 francs pour un produit de
pêche de 1.200.000 francs.
250
francs………………………………....1.500.000
francs
350
francs………………………………….1.800.000
francs
Sur ce cinquième, il est
donné, suivant les usages
locaux, des avances mensuelles à
titre d'acompte, comme minimum
de salaire garanti, quel que
soit le produit de la pêche. Ces
acomptes mensuels sont payés par
mois échu et le taux en est
porté au rôle d’équipage.
Les hommes reçoivent avant
le départ une avance de deux
mensualités qui est versée après
réception du certificat médical
; mais, bien que ce versement
soit effectué devant
l'Administrateur, il n'existe
aucun recours contre le marin
qui, même après avoir signé en
sa présence son contrat
d'engagement, refuse d'embarquer
lors de l'établissement du rôle.
Ce cas est, heureusement, assez
rare, mais il serait désirable
que l'Administrateur ait les
moyens d'amener l'homme à
respecter ses engagements

Comme sous le régime de
l'ancienne charte-partie de
Fécamp, la rémunération des
équipages de chalutiers se
compose donc de deux éléments:
a)
une partie fixe constituée par
les acomptes mensuels dont le
taux varie suivant les usages
locaux et la fonction à bord du
bénéficiaire.
b)
une part du produit de la vente
de la pêche (différence entre
les mensualités versées en cours
de campagne et la part acquise.
En cas de sinistre la somme
assurée sur le produit de pêche
serait répartie suivant les
mêmes dispositions, déduction
faite de la prime d'assurance.
La charte partie des
chalutiers de Saint-Malo
contient en outre une
disposition aux termes de
laquelle il est fait à chaque
homme une avance de 600 francs.
Cette avance lui est versée au
moment de la remise de son «
permis d'embarquement»
et de son certificat médical à
l'armateur, et pour le 25
février au plus tard ; elle est
reprise sur le 1/5 revenant à
l'équipage.
D'ailleurs, en ce qui
concerne toujours ce paiement
des avances et acomptes mensuels
il semble que les armateurs de
Saint-Malo aient tenu à
respecter les usages locaux ;
c'est ainsi que leur charte
partie stipule qu'ils est
envoyé, huit jours après le
départ, aux familles des hommes
qui délèguent, une mensualité
entière, les deux mois suivants,
une demi mensualité et, par la
suite, des mensualités entières,
déduction faite des sommes
avancées aux hommes en cours de
campagne.
Ce mode de rémunération
présente sur l'ancien régime de
la rémunération fixe avec
pourcentage, l'avantage de
limiter les charges de
l'armement, en particulier dans
les mauvaises années et
d'intéresser les marins au
rendement de la pêche.
Toutefois, les armateurs
font remarquer que ces derniers
ont une tendance à réclamer une
mensualité garantie de plus en
plus forte, et par suite une
participation moindre, de façon
à éviter les aléas d'une
campagne de grande pêche.
Durée
de l'engagement
Aux termes de l'article 2 de
la charte partie type,
l'équipage est engagé à partir
du jour de l'armement et sans
interruption, jusqu'au
désarmement et au plus tard le
31 janvier de l'année suivante,
sauf en cas de force majeure. Il
n'est pas fait de distinction
entre les lieux de pêche et, par
suite, un homme ne saurait
arguer d'une relâche en France,
à la fin de la campagne
d'Islande, par exemple, pour
demander son débarquement; nous
sommes ici, en effet, en
présence d'un contrat à durée
déterminée ; d'ailleurs, pour
éviter toute controverse, la
charte partie des chalutiers de
Fécamp porte en tête la formule
suivante : « Les
soussignés déclarent s'être
volontairement engagés à
faire, pendant l'année
192. , la pêche de la morue sur
les bancs d'Islande, de
Terre-Neuve et tous autres lieux».
Celle de Saint-Malo
contient, à cet égard, une
clause encore plus précise, si
possible. Les armateurs ont
ainsi, fort justement, voulu
éviter les difficultés sans
nombre qu'entraînerait pour eux
le renouvellement de leurs
équipages en pleine campagne de
pêche (calcul des avances,
recrutement de spécialistes,
perte de temps, etc.)
Obligations de l'équipage.
Organisation du travail à bord
Les engagés, depuis le jour
où ils ont passé la revue, sont
tenus de travailler à bord du
navire, pour en accélérer
l'armement; leurs journées leur
sont payées au prix de la
spécialité sur la place. Ils
doivent se rendre à bord au jour
fixé par l'armateur et, sont dès
ce moment à la disposition de ce
dernier, soit pour mettre le
navire en rade, soit pour partir
directement, vers le lieu de
destination.
Par contre, si le départ est
retardé par le fait ou dans
l'intérêt de l'armateur au delà
de la date extrême fixée dans
l'engagement, il est dû au
marin, par journée de retard,
une indemnité de taux égal à
celui des salaires des marins du
commerce.
Enfin, pendant tout le cours
du voyage, et en cas de relâche
dans un port quelconque, même
celui de départ, les engagés
sont tenus de faire, sans
indemnité, tous les travaux
commandés dans l'intérêt de
l'expédition. (La charte-partie
de Saint-Malo, ajoute «
même en dehors de leur
spécialité) ; c'est
ainsi qu'en dehors de la pêche
et de la préparation du poisson,
ils doivent effectuer le
transbordement et le
déchargement du poisson pendant
toute la campagne, assurer le
service des treuils, etc. La
charte partie-type stipule
formellement que «
l'équipage ne pourra être tenu
d'aider à l'embarquement
du charbon, que lorsque la
main-d’œuvre locale sera
insuffisante» et cette
clause est reproduite dans
presque tous les contrats, sauf
à Saint-Malo, où les conditions
d'engagement portent au
contraire, pour les hommes
obligation d'aider à
l'embarquement du charbon dans
les ports et au transbordement
d'une cale à l'autre pendant les
traversées. Cette disposition
est critiquable, en ce qu'elle
permet d'imposer aux pêcheurs,
en dehors de leurs fonctions
habituelles, un travail pénible
qui ne devrait leur être demandé
qu'exceptionnellement ; elle
devrait être modifiée
conformément au contrat type
adopté sans modifications dans
les autres ports.
En route, le service est
divisé en 3 quarts, et la durée
du travail effectif est fixée à
8 heures par jour. Sur les lieux
de pêche, le service est
organisé suivant les nécessités
de la pêche, à la
condition, toutefois, qu'un
repos minimum ininterrompu de 8
heures, soit assuré
journellement au personnel. La
de ce repos peut être réduite à
6 heures, repas non compris,
pendant 5 jours consécutifs.
On ne peut en effet songer
établir, à ce sujet, une
réglementation rigoureuse ; le
poisson doit être travaillé dès
que le chalut l’a déversé sur le
pont.
Dans le port et sur rade
abritée, la durée de travail
effectif, service de garde ou de
veille compris, est fixée à 8
heures par jour. Toutefois, pour
le déchargement du poisson salé,
la durée de la journée de
travail effectif pourra être
portée jusqu'à 12 heures.
Enfin, l'article 2 stipule
que dans le cas où il y aurait
heu à allocation pour heures
supplémentaires, le taux en sera
celui indiqué pour les navires
de commerce. La charte de
Saint-Malo est muette sur tout
ce qui touche à la durée du
travail à bord. Il conviendrait,
cependant, que les hommes
puissent être, à tous moments,
exactement renseignés à cet
égard. Il y a une lacune à
combler.
Pénalités diverses
Les pénalités pécuniaires
sont assez légères pour ne pas
causer un réel préjudice à
l'homme qui en est frappé ; en
outre, les cas dans lesquels
elles sont infligées sont
limitativement désignés dans la
charte type (amende de 6
francs à l'homme qui manque la
mise en rade, de 50 francs à
celui, qui sans motif plausible,
retarde le départ du navire).
Ces amendes qui ne sont,
d'ailleurs que prélevées sur les
salaires du retour, s'ajoutent
au produit de la pêche, et ne
bénéficient donc pas,
exclusivement, à l'armement.
A noter qu'à Saint-Malo il
n'est pas établi d'amende
forfaitaire ; le marin est
passible de dommages-intérêts
proportionnés au retard et qui
sont ajoutés au produit de la
pêche. Les hommes qui refusent
d'embarquer ou de travailler
perdent le bénéfice de la moitié
de leur participation. Cette
retenue doit, semble-t-il,
s'ajouter au produit de la
pêche, mais aucun article ne le
spécifie réellement.
A Saint-Malo, c'est le
bénéfice de sa participation
entière que perd le marin qui
refuse d'embarquer ou est
débarqué à la suite d'une
punition disciplinaire; il en
est de même de celui débarqué
pour incapacité ou
insubordination, et qui est
réputé par suite, comme n'ayant
pas rempli jusqu'au bout ses
engagements. Les conditions de
ce port semblent ainsi toujours
plus rigoureuses que celles
adoptées partout ailleurs, et
cependant, il ne semble pas
qu'elles aient donné lieu à
réclamation. Il est vrai que le
nombre des chalutiers auxquels
elles s'appliquent est encore
peu élevé.
Enfin, aux termes de
l'article 3 l'armateur a la
direction économique de
l'expédition et se réserve le
droit de faire débarquer ou
transborder des morues à
Saint-Pierre-Miquelon et en
Islande.
La majorité des contrats
stipule à l'appui de cet article
que « s'il y a
inobservation d'une de ses
clauses, le préjudice causé à
l'armateur ou à des tiers sera
déduit du 1/5 revenant à
l'équipage». Il est, en
effet indispensable, pour la
réussite de la campagne que
l'autorité incontestable de
l'armateur soit sanctionnée.
Toutefois, il est à craindre que
l'évaluation du dommage subi
soit une source de difficultés
continuelles, d'autre part,
l'établissement d'un forfait en
cette matière est irréalisable,
par suite de la diversité des
éléments qui interviennent dans
l'appréciation du préjudice
subi.
Enfin, l'article 5 § 2 de la
Charte partie type reconnaît au
capitaine le droit de remettre
simple matelot tout spécialiste
de la pèche ayant fait preuve
d'incapacité professionnelle.
Rien de plus logique ; mais que
penser de la clause insérée dans
la charte partie de Saint-Malo,
aux termes de laquelle, le
capitaine se réserve le droit de
débarquer les marins pour
incapacité, ou insubordination
sans indemnité.
Obligation de l'armateur
Ainsi que nous l'avons vu au
début de ce paragraphe, «
Il est alloué à l'ensemble de
l'équipage un cinquième du
produit net de la pêche réparti
suivant les usages locaux».
En cas de sinistre, la somme
assurée sur le produit de la
pêche sera répartie sur les
mêmes bases que la pèche elle
même, déduction faite de la
prime d'assurance. Les hommes
malades ou blessés ont droit,
jusqu'au jour du débarquement, à
la participation acquise à ce
moment.
Les salaires de maladie dus
par l'armateur par application
de l'article 262 du Code de
commerce sont du taux des
salaires de commerce. Les frais
de conduite sont à la charge de
l'armateur lorsque l'homme est
débarqué dans un port autre que
celui de l'armement. La somme à
lui payer de ce chef doit lui
permettre de rejoindre à son
choix, son quartier ou le lieu
de son engagement.
L'article 21 impose
d'ailleurs un délai maximum pour
le règlement des comptes. Cette
opération doit avoir lieu au
plus Lard 15 jours après la
dernière livraison dans un port
de la métropole. A compter de
l'expiration du délai ci-dessus
et jusqu'au jour du paiement,
l'armateur est tenu de payer les
intérêts des sommes dues au taux
légal, plus une indemnité de 5
%. Il est tenu, d'ailleurs, de
délivrer à chaque membre de
l'équipage, avant le paiement,
son compte individuel de
salaires. La charte partie des
voiliers dispose que ce compte
doit parvenir au marin et à
l'Inscription maritime, 8 jours
au plus tard avant la revue de
désarmement ; celle des
chalutiers ne contient, il est
vrai, aucune disposition
concernant le délai de
délivrance du compte individuel
et sa remise à la Marine, mais
les conditions sont les mêmes
et, d'ailleurs, ce dépôt est
prescrit par l'ordonnance du 9
octobre 1837, déclarée d'ordre
public, par le Décret loi du 4
mars 1852, et toujours en
vigueur.
Les armateurs doivent donc
remettre :
1°) à l'Inscription maritime :
un compte sommaire des résultats
de la campagne, certifié par
eux, et faisant connaître ce qui
revient à chacun des hommes de
l'équipage.
2° à chaque marin un compte
individuel comprenant tous les
chiffres du compte général.
Le compte destiné à
l'Administrateur doit être
appuyé des pièces originales :
bordereaux de vente, factures de
dépenses, récépissés pouvant
servir à les justifier.
Malgré tout, le contrôle de
l'Administrateur et a
fortiori celui des
capitaines et des simples
pêcheurs, est ,en fait, quasi
inopérant, le dépouillement d'un
compte de pêche étant toujours
assez compliqué. Il serait à
souhaiter de voir généraliser le
système forfaitaire adopté par
les armateurs de chalutiers de
Fécamp, lorsque les
circonstances leur ont imposé un
transbordement sur chasseur ou
wagon ou la livraison dans un
port autre que Fécamp,
Saint-Pierre, ou, semble-t-il,
tout autre port d'armement.
Les frais engagés, dans les
conditions ci-dessus, et qui
sont déduits du montant des
comptes de vente font l'objet
d'un forfait établi comme suit
(campagne 1925) : 10 francs par
quintal de morues pour livraison
par les navires pêcheurs
eux-mêmes, par voie de fer ou
par caboteurs.
x
francs par homme embarqué, au
profit de la Société des «
œuvres de Mer». On
déduit également du montant du
compte de vente, les taxes sur
le chiffre d'affaires et tous
impôts analogues pouvant être
créés. Cette question du
paiement par les marins de la
taxe de 1,30 % sur le chiffre
d'affaires, avait failli, lors
des revues d'armement pour la
campagne 1926, être la source
d'un conflit entre les armateurs
de Saint-Malo et le Syndicat des
marins de ce port. Les premières
revues avaient été marquées par
le refus des pêcheurs d'accepter
de payer cette taxe et n'avaient
pu avoir lieu. Par la suite, les
armateurs restèrent sur leurs
positions et les marins
terre-neuviers ne soulevant plus
aucune objection au paiement de
la dite taxe, d'ailleurs
acquittée par eux sans
protestation depuis sa création,
les revues suivantes se
passèrent sans incidents.
Au retour de la campagne de
1926, cette question fut de
nouveau évoquée, les armateurs
et les marins dénoncèrent la
charte partie ci-dessus.
L'entente ne put se faire au
sein de la Commission paritaire
réunie à Paris le 11 décembre
1926, mais, le 15 janvier 1927,
les délégués des deux parties,
réunis à Saint-Malo par M.
l'Administrateur en Chef
Baudoin, tombaient d'accord
sur les bases d'une
charte-partie qui se différencie
notamment de la précédente en ce
que le chiffre d'affaires reste
entièrement à la charge de
l'armement.
b)
Pour les voiliers
De même que l'ancienne
charte partie de la région
bretonne (engagement au quart
net), la charte partie adoptée
par les voiliers se caractérise
par la participation directe de
l'équipage aux charges et
bénéfices de la campagne, et la
rémunération de chaque homme en
particulier, proportionnellement
à son travail personnel.
Indispensable pour les voiliers,
ce mode d'engagement, stimule
par l'appât d'un gain plus
important en fin de campagne,
l'activité des dorissiers, et
peut-on le dire, leur témérité.
Aux termes de cette charte
partie, il est attribué à
l'équipage de chaque doris, 26 %
de la valeur de vente nette des
morues pêchées par lui, produit
de ces 26 % est partagé entre le
patron et l'avant dans la
proportion de 5/9 au patron et
de 4/9 à l'avant ou partagé
également, s'il y a convention
entre eux à ce sujet. S'il était
impossible de produire le
registre ci-dessus, on aurait
recours aux déclarations
concordantes du capitaine et des
dorissiers. Dans la charte
partie de Saint-Malo pour 1927
ce pourcentage est élevé à 28 %
lorsque la moyenne des ventes
des doris atteint 70.000 francs.
Les saleurs et les seconds, dans
ce cas, reçoivent 1 % de plus.
Durée de l'engagement
A compter de la date
d'engagement, l'engagé ne peut
contracter un autre engagement
qui ne lui permettrait pas
d'être présent en temps voulu,
et l'armateur ne peut rompre
l'engagement. Toutefois, dans le
cas où depuis la date de
l'engagement, il serait constaté
chez l'engagé une maladie, une
blessure, une infirmité le
mettant dans l'incapacité de
faire son travail, l'armateur
conserve le droit de mettre fin
au contrat, mais seulement après
visite du médecin officiel, et
d'accord avec l'Administrateu de
l'Inscription Maritime.
Les engagés sont depuis le
jour où ils ont passé la revue,
obligés de travailler à
l'armement du navire et, dans ce
cas, leurs journées leur sont
payées au prix courant de la
spécialité sur la place.
L'engagement pour la campagne
est terminé, lorsque le poisson
est débarqué dans le port de la
métropole choisi par l'armateur
qui a la direction économique de
l'expédition et se réserve le
droit, sauf stipulation
contraire, de faire débarquer
des morues à Saint-Pierre et
Miquelon.
Obligations de l'équipage.
— Organisation du travail à
bord.
Le capitaine a la direction
de la navigation et, s'il y a un
subrécargue, la direction de la
pêche d'accord avec ce dernier.
Dans l'ensemble, ces obligations
sont identiques à celles
imposées aux équipages de
chalutiers : l'organisation du
travail à bord des voiliers est,
d'autre part, régie également
par la loi du 2 août 1919
(division du service en trois
quarts et fixation de la durée
du travail effectif à 8 heures
par jour).
Au départ, les engagés
doivent se rendre à bord le jour
qui leur est fixé par
l'armateur. Tout homme qui
manque la mise en rade, est tenu
de payer la somme de 6 francs.
Cette amende est portée à 50
francs pour celui qui retarde
sans motif plausible le départ.
Il doit en outre rejoindre le
navire à ses frais.
Pendant tout le cours du
voyage et, en cas de relâche
dans un port quelconque, même
celui du départ, les engagés
sont tenus de faire tous les
travaux commandés dans l'intérêt
de l'expédition, sans indemnité
pendant les 10 premiers jours.
Passé ce délai, ils sont
rémunérés au taux officiel des
salaires du commerce.
Tous les hommes de
l'équipage sont tenus de pêcher
la boette nécessaire la pêche.
L'armateur se réserve cependant
le droit d'en acheter à telles
conditions qu'il jugera
opportunes. Le prix d'achat est
alors déduit du produit de la
pêche. Les marins qui, au cours
de fa campagne, se sont égarés
sur les bancs et ont été
recueillis par un autre navire,
doivent, sauf incapacité
physique, travailler à bord de
ce navire; dans ce cas, ils sont
rémunérés d'après le nombre de
morues qu'ils auront pêchées ;
Ceux qui ont été rapatriés à
Saint-Pierre et Miquelon
doivent, autant que possible,
être ramenés à bord de leur
navire. Il en sera de même,
après guérison, pour les engagés
laissés à terre pour cause de
maladie.
A la fin de la campagne, si
le retour s'effectue au port
d'armement, l'équipage doit
amarrer le navire à son poste
d'hivernage. Dans le cas
contraire, et afin d'éviter les
difficultés que ne manquerait
pas de rencontrer le capitaine
pour recruter un nouvel
équipage, les marins désignés
par le capitaine sont tenus de
ramener le navire à son port
d'hivernage. La désignation des
marins qui doivent ainsi
demeurer à bord doit avoir lieu
au plus tard le dixième jour
après l'arrivée dans le port de
débarquement, et, afin d'éviter
qu'ils puissent se trouver
désavantagés par rapport à leurs
camarades, ils reçoivent, du
jour du débarquement de ces
derniers, les salaires et
indemnités officiels du
commerce.
Obligations de l'armateur
L'armateur doit, à chacun
des hommes qui composent
l'équipage, depuis le capitaine
jusqu'au mousse, une somme fixe
dénommée « avance»
payée avant le début de la
campagne, et une part
proportionnelle à la valeur des
produits péchés. Les salaires se
composent donc des avances et
des salaires de retour.
Les salaires de maladie, mis
éventuellement à sa charge par
application de l'article 262 du
Code de commerce sont calculés
d'après le taux officiel des
salaires du commerce.
« Pur don » ou «
Denier à Dieu ».
Dans beaucoup de ports de
Grandes Pèches, capitaines et
subrécargue, lorsqu'ils
composaient leurs équipages,
cherchaient dès le retour des
navires à s'assurer pour la
campagne suivante le concours-
des meilleurs pêcheurs, et pour
ce faire, leur remettaient de la
main à la main, une somme
parfois importante qui demeurait
rigoureusement secrète et ne
figurait pas, à fortiori,
sur le rôle d'équipage.
L'Administration de la
Marine s'employa de son mieux, à
lutter contre ces pratiques
qu'elle jugeait dangereuses et,
de fait, elles semblaient
fortement en décadence, mais, en
présence des difficultés que
présente actuellement le
recrutement des équipages, le
pur don a reparu, sans que la
charte partie en fasse
naturellement mention.
Dans certains ports, comme
Fécamp où la crise de la
main-d’œuvre, a particulièrement
sévi, ce «pur don»
atteint, pour de simples marins,
jusqu'à 4.000 francs. Les
armateurs de Saint-Malo se
proposent de ne plus accorder de
« denier à Dieu »
mais le pourront-ils et le
pouvant, résisteront-ils au
désir légitime de s'assurer par
ce moyen, les meilleurs pêcheurs
? Il est permis de rester
sceptique à cet égard.
Paiement des avances.
Le montant des avances est
fixé chaque année et porté à la
charte partie. Voici à titre
documentaire quel était leur
montant à Fécamp, pour la
campagne 1925 :
Capitaine, maître de pêche,
second, saleur…… 2.500 Fr.
Matelots …………………………………………….
2.000 Fr.
Novices ……………………………………………..
1.200 Fr.
Mousses ……………………………………………… 750
Fr.
Le versement s'en effectue
comme suit :
Les 3/4 sont payés en
passant la revue au bureau de
l'inscription maritime et entre
les mains de l'engagé, "et la
deuxième partie, entre les mains
de la femme ou des ayants droit,
désignés, par le marin, aussitôt
après le départ du navire.
Ces avances sont « à
valoir » sur les
salaires, c'est-à-dire que leur
montant est déduit de la part
revenant au marin lors de la
répartition effectuée au retour.
La charte partie ne spécifiant
d'ailleurs pas, si ces salaires
sont ceux dus pour le travail ou
les salaires de maladie; il
serait possible à un armateur
d'opérer, le cas échéant, la
compensation du salaire de
maladie dû à un marin avec le
montant des avances qui lui
avaient été versées au départ
pour la campagne. Cette thèse a
été confirmée par un jugement du
18 mars 1924 du Tribunal de
Commerce de Saint-Malo.
Salaires de retour.
Les conditions d'engagement
des voiliers de Terre-Neuve
créent une véritable association
entre armateurs et pêcheurs,
celui-ci apportant son navire
avec son matériel d'armement et
fournissant les vivres, ceux-là
fournissant leur travail, et
tous participants aux dépenses
faites dans l'intérêt de
l'expédition.
Ce caractère ne se retrouve
pas dans la charte partie des
chalutiers, c'est qu'aussi bien
les conditions économiques de la
pêche telle qu'elle est
pratiquée sur ces navires, ne
permettraient pas cette étroite
liaison.
En outre, en vue de stimuler
l'initiative individuelle et
d'augmenter le rendement, a-t-on
maintenu le mode de répartition
adopté par l'ancienne charte
partie de Saint-Malo qui, à
l'inverse de la charte partie
Fécampoise, rémunérait les
équipages de doris en proportion
directe du nombre de morues
capturées par chacun d'eux.
Les salaires de retour sont
établis comme suit :
Il est établi une
totalisation de tous les
produits comprenant la vente (nette
d'escompte et de
commission) des morues,
huiles, rogues, le fret des
marchandises ou morues, même si
ces marchandises et morues
appartiennent à l'armateur, la
moitié du fret des passagers et
les pénalités prévues contre les
hommes manquant la mise en rade
ou retardant le départ sans
motif plausible. En outre, si
l'armateur a envoyé son navire
chercher du sel avant de se
rendre au banc, on y ajoute le
fret de ce sel, calculé suivant
le cours du jour du départ du
port d'armement, déduction
faite] des dépenses
supplémentaires de l'expédition
au port d'embarquement du sel.
Il est déduit de ce total le
montant des primes d'assurances
sur armement, avances et
excédents de pêche, l'allocation
pour huile accordée au saleur,
et le prix des fûts, les frais
de conduite et de salaires au
mois, en fin de campagne, s'il y
a lieu, de salaires pour travaux
commandés et d'heures
supplémentaires accomplies dans
l'intérêt de l'expédition
;d'indemnités journalières
d'absence et de salaires de
retour des dorissiers égarés sur
le banc ; les frais de
déchargement et de pesage de la
cargaison si le déchargement se
fait au port d'armement ou n'est
pas effectué par l'équipage dans
tout autre port ; le montant des
droits de douane payés pour
l'entrée de la morue à
Saint-Pierre et Miquelon et
parfois, une somme fixe au
profit de la Société des Œuvres
de Mer.
Le reste constitue le
produit net de la pêche, qui,
divisé par le montant des morues
pêchées suivant le registre
journalier dont la tenue est
obligatoire, et en cas de perte
du registre, suivant les
déclarations concordantes du
capitaine et des dorissiers
intéressés, donne le prix de
revient d'une morue. Le nombre
des morues pêchées, réellement,
est en fait, abondé de la
quantité de poissons attribuée
aux dorissiers employés à pêcher
la boette, et c'est d'après ce
total fictif qu'est calculé le
prix de revient. Cette
disposition contenue dans le
contrat type, reproduite dans
toutes les chartes parties a
pour but de majorer la part
revenant à l'armement et a été
insérée en considération de ce
que l'armateur fournit
gratuitement les engins
nécessaires à la pêche de la
morue comme de la boette, et de
ce que tous les doris devraient
eux-mêmes pêcher leur boette. Il
est attribué à l'équipage de
chaque doris 26% de la valeur de
vente nette des morues pêchées
par lui ; le produit de ces 26 %
est partagé entre le patron et
l'avant dans la proportion de
5/9 au patron et de 4/9 à
l'avant ; ou partagé entre eux,
également, s'il y a convention
dans ce but entre les deux
dorissiers.
Les gages des marins
n'embarquant pas (chauffaudiers)
ou n'embarquant
qu'accidentellement dans les
doris sont payés par l'armateur
sur la part qui lui revient et
sont fixés comme suit :
Capitaine
: conditions spéciales portées
au rôle.
Second
: embarquant ou n'embarquant pas
dans les doris : 20 ou 22 % sur
la moyenne de vente des doris
suivant que l'équipage comprend
plus ou moins de 30 hommes.
Saleurs
: 18 % sur la moyenne de vente
des doris.
Novices
: 7,50 % sur la moyenne de
vente des doris.
Mousses
: 6,50 % sur la moyenne de vente
des doris.
Lieutenant
: 2 % sur la moyenne de vente
des doris.
Maître
: 1 % sur la moyenne de vente
des doris.
Le cuisinier est payé sur
la moyenne de vente des doris à
raison des 4/9.
Nous avons vu plus haut que
la totalité des primes
d'assurances sur avances,
armement et excédents dépêche,
était déduite du produit de la
vente nette. Les pêcheurs
participent donc à l'assurance
de la pêche.
Aussi, en cas de sinistre,
est-il procédé de la manière
suivante à la répartition des
sommes assurées à ce titre.
1°)
Si le navire fait naufrage avant
d'avoir pêché, l'indemnité
d'assurance est acquise
intégralement à l'armateur.
2°)
Si l'événement se produit quand
les excédents de pêche ont été
couverts, le règlement a lieu
comme si le navire était arrivé
à bon port.
3°)
Dans le cas d'un sinistre
n'entraînant pas la perte du
navire et n'occasionnant qu'une
dépréciation de l'armement et de
la cargaison, le règlement a
lieu sur le montant de la vente
du poisson déprécié auquel
s'ajouteront les indemnités
d'assurance sur armement et
excédents de pêche.
Règlement des comptes.
Avant le paiement,
l'armateur est tenu de délivrer
à chaque membre de l'équipage,
son compte individuel de
salaire.
Ce compte doit comprendre
tous les chiffres du compte
général et doit parvenir au
marin et à l'Inscription
maritime 8 jours au plus tard
avant la revue de désarmement.
Le compte fourni à l'Inscription
Maritime doit être appuyé des
pièces originales : bordereaux
de vente, factures de dépenses,
etc... Cette disposition à
l'exécution de laquelle les
Administrateurs doivent tenir la
main s'explique par ce fait que
les marins, engagés à la part,
ne sont pas de simples salariés
au regard des armateurs, mais
des associés véritables,
participant aux chances
heureuses comme aux chances
malheureuses de l'entreprise
commune. Je crois devoir le
rappeler encore, il s'agit ici
d'une véritable association en
participation à laquelle les
marins apportent leur travail et
leur capacité professionnelle,
l'armateur fournissant de son
côté le bâtiment, l'armement et
la nourriture de l'équipage
pendant la durée de la campagne.
La rémunération de cette
double série d'apports se
calculant sur le prix de vente
du produit de la pêche, il est
indispensable que l'armateur,
gérant de l'association,
fournisse à ses co-associés
toutes les justifications
prescrites par le code civil et
le code de commerce en matière
de sociétés. Ces justifications
ne pourraient être mieux
fournies que par l'intermédiaire
de l'Administrateur qui est donc
fondé à exiger communication des
diverses pièces justifiant les
imputations des comptes de pêche
(prix de vente quantités
vendues, taux du courtage, prix
d'achat des boettes, frais de
déchargement, etc.). Il faut
bien dire d'ailleurs, que les
armateurs à la grande pêche
reconnaissant dans cette mesure,
le meilleur moyen de prévenir
contestations et conflits, n'ont
jamais refusé de donner toutes
facilités aux Administrateurs
pour l'accomplissement de leur
tâche.
Lorsque la livraison est
faite au port de désarmement le
paiement doit être effectué 20
jours après la fin du
désarmement si la vente a lieu
au comptant. Si la vente a lieu
à un mois, il doit être effectué
dans les 10 jours qui suivent la
fin du déchargement. Si la
livraison a été faite dans un
autre port, ce délai de 20 jours
ne commence à courir qu'après
l'arrivée du navire dans le port
de désarmement.
Faute par l'armateur de
s'exécuter dans les délais
ci-dessus, il doit payer aux
hommes les intérêts des sommes
dues, au taux légal, plus une
indemnité de 5 %.
En cas de naufrage, le
règlement de compte basé sur
l'indemnité d'assurance doit se
faire dans le délai de 20 jours
à partir de la date à laquelle
l'armateur a reçu cette
indemnité. Les intérêts à 5%
courent, après expiration de ce
délai, si le retard incombe à
l'armateur. Dans le cas Où
l'armateur achèterait lui-même
ses produits de pêche le prix
d'achat serait égal à la moyenne
de prix des ventes effectuées
pendant la saison, c'est à-dire,
au barème du port de livraison,
ce barème étant établi, autant
que possible, par la Bourse de
commerce ou la Chambre de
commerce. Le règlement des
comptes et le paiement des
salaires doivent être, alors,
effectués dans les 20 jours du
débarquement du poisson.
Toutefois, si le barème
définitif ne peut être fixé, le
règlement a lieu sur la base des
prix pratiqués jusqu'à
l'expiration d'un délai de 30
jours après la fin de la
livraison du navire ; et des
avances s'élevant jusqu'à 60 %
de la part revenant à
l'équipage, sont payées aux
engagés sur la base du prix le
plus bas pratiqué jusqu'au
moment de l'arrivée du navire.
Cette charte partie, due à
une étude approfondie et
sincère, a, jusqu'ici, donné
toute satisfaction, et les
conflits entre armateurs et
marins sont devenus de moins en
moins fréquents. Il est
d'ailleurs spécifié qu'en cas de
contestation sur son
interprétation, il serait fait
application de la procédure de
conciliation et d'arbitrage
prévue par l'arrêté du 2 avril
1919.
Extraits de « La pêche à
la morue » de Monsieur
BRONKHORST
Administrateur des Affaires
Maritimes
Source Archimer (Archives
d’Ifremer)