HISTORIQUE DE LA PECHE A LA MORUE

Les armements de pêche
 
 
Historique des ports morutiers Français
 

Les guerres de la révolution française et de l'empire ont interrompu la pêche à la morue. Pendant toutes ces années de conflit, les navires avaient été désarmés, les équipages dispersés et souvent appelés dans les armées de terre. Les traités de Paris du 30 mai 1814 et du 20 novembre 1815 maintenant à la France ses droits sur le French-Shore à Terre Neuve, il s'agissait de se réorganiser.

Les ports français de la métropole ayant envoyé des navires à Terre Neuve sont par ordre alphabétique : Arcachon, Bayonne, Binic, Bordeaux, Boulogne, Brest, Calais, Cancale, Le Croisic, Dahouet, Dieppe, Dunkerque, Etaples, Fécamp, Granville, Lannion, La Rochelle, Le Croisic, Le Havre, Lorient, Marseille, Morlaix, Nantes, Paimpol, Portrieux, Quimper, Sables d’Olonne, Saint Brieuc, Saint Jean de Luz, Saint Malo, Saint Servan, Saint Valéry en Caux, Tréguier.

En voici le détail par localités et par ordre géographique :

Dunkerque: au 18ème, on envoie annuellement plus de 60 bâtiments à la pêche à la morue en Hollande. Fin 18ème, la pêche à Islande est florissante avec 60 à 90 dogres montés par 12 à 15 hommes. La première goélette apparaît en 1840, il y en aura plus de cent dans les années 1860 enrôlant 2 000 hommes environ. 72 navires en 1900, encore 100 en 1901; par la suite la pêche décroit, 32 voiliers en 1910 avec 633 hommes, pour s'éteindre en 1930.

Gravelines: s'engage vers 1840 vers la pêche à Islande: 3 navires en 1836, 20 en 1859; la pêche en Islande s'éteint en 1938.

Le Tréport : au 18ème on y fait quelques armements pour la pêche à la morue.

Dieppe: 1ère expédition commandée par Jehan Ango le père et menée en 1508 par Thomas Aubert sur la Pensée. En 1522-1524, on retrouve dans les archives le Michel et le Griffin.

Au siècle suivant, de 4 à 15 navires se rendent annuellement à la pêche à la « morue ».

1ère moitié du 18ème : les armements sont sporadiques, de 0 à 4 selon les années ; puis chaque année 15 à 20 navires du port de 80 à 140 tonneaux ; fin 18ème Dieppe est 1er port morutier normand avec Granville, grâce aux progrès technologiques introduits par deux dieppois, l’armateur Adrien Duval et le capitaine Thomas Sabot; on y pratiquait la pêche aux bancs sans sécherie à terre.

En 1815, 4 navires pour Terre Neuve, 13 en 1816, 31 en 1819, 8 en 1823 à cause de la guerre d'Espagne, 30 en 1829, 25 navires en 1831, 48 en 1834, 59 en 1835, 52 en 18

Vers 1830 on y comptait une trentaine d'armateurs et une vingtaine de saleurs.

En 1835, Dieppe atteint son apogée avec 57 navires, Fécamp n’en a alors que 17 ; le déclin est amorcé en 1847-1848 à mettre sans doute en relation avec l’ouverture de la voie de chemin de fer Paris Dieppe qui sonne le glas des chasse marées ; à partir de 1853, les armements fécampois distancent définitivement ceux de Dieppe.

On y arma pour l'Islande de 1866 jusqu'en 1882, seulement quelques unités, 6 en 1869.

Les cordiers à vapeur apparaissent en 1880, les chalutiers à vapeur en 1893, les deux derniers trois mâts terre neuviers à voile sont le Duquesne en 18991 et le Prosper Corue en 1892 de l’armement Rémy Mouquet ; les tentatives postérieures de Charles Schlumberger et de Ferdinand Rimbert ne dureront pas.

Sources : (Gérard Bignot)


Saint-Valéry en Caux: en 1577, Guillaume Delabrecque arme « Le Nicollas » pour le banc de Terre-Neuve. Au 18ème, envoie plusieurs navires – quelques vaisseaux - à la pêche à la morue au banc de Terre-Neuve, et un trentaine de grosses barques pour la grande pêche du hareng … ; puis 10 terre-neuviers en 1825, autant qu'à Fécamp; en 1834, 5; en 1845, 9; en 1855, 3; en 1860, 3; en 1861, 3; en 1867, 4; en 1869, 8; en 1875, 12; en 1885, 20 morutiers partent à Terre Neuve; en 1900, 5 seulement; le tout s'achèvera au début du 20ème siècle.

Fécamp: jusqu'à la révolution française, le port de Fécamp est sous l'emprise de son abbaye; la seigneurerie ecclésiastique percevait des revenus à charges par elle d’entretenir les installations portuaires, ce qu’elle négligeait de faire parfois ; jusque là donc seulement 4 ou 5 navires pour la grande pêche; 10 après la guerre de l'indépendance américaine; on y pratiquait uniquement la pêche à la morue verte; Fécamp ne prend la 1ère place de Dieppe que vers 1850; en 1816, 7 navires; en 1825, 10; en 1827, 12; en 1834, 9; en 1845, 38; en 1855, 30; en 1860, 26; en 1869, 42; en 1885, 51 navires partent pour les bancs montés par 1 000 hommes; en 1902, 72; en 1903, 73 navires avec 2590 hommes; en 1907 apparait le premier chalutier à vapeur; en 1908, 51 voiliers montés par 1 800 hommes; en 1913, 47 voiliers et 7 chalutiers; en 1914, 44 voiliers et 1 chalutier (ou 3) plus six chalutiers pour l'Islande ; en 1915, 19 voiliers; en 1920, 15 voiliers et 13 chalutiers; en 1930, 7 voiliers et 23 navires à vapeur ou à moteur.
La pêche à la voile disparait en 1938 avec cette année là 19 chalutiers; il fut débarqué à Fécamp plus de 500 000 quintaux de 55 kg de morue et environ 740 tonnes d'huile.

En 1945, 4 chalutiers; en 1947, 8 chalutiers; en 1954, 11 chalutiers; en 1960, 13; en 1963, 13.

Il y avait alors une dizaine de négociants en morues et cinq grandes sécheries dans la ville.

Par la suite vinrent les essais de mise en conserve, de fabrication de farine de poisson, de congélation.

Fécamp devient le premier port de décharge avec 23 ou 24 000 tonnes par an ou 43% de la production nationale, devant Bordeaux 18 000 tonnes et Saint Malo 10 000 tonnes; la production globale à Fécamp était de 20 000 tonnes.

Sur 29 terre-neuviers, 17 étaient commandés par des fécampois; le quartier maritime comptait en 1962 2 000 hommes dont 500 pour la grande pêche, le surplus des hommes nécessaire, 700, venant de Bretagne.

Le Havre: l'armement morutier y prospéra au 16 et au 17ème siècle; par la suite il n'y eut que quelques unités, 3 en 1826; plus récemment, c'est en cette ville que fut fondée la Société Havraise de Pêche.

Honfleur: Au 16ème – 1577 - Grand port d’armement pour Terre Neuve ; en 1608, Samuel de Champlain, monte une expédition au départ de Honfleur et va fonder Québec; au 18ème se livre à la pêche à la morue; le commerce lucratif du coton supplanta la pêche à la morue qui disparut pratiquement de Rouen et du Havre, à l'exception de Honfleur qui prend le relais pour Terre-Neuve (30 navires en 1764, 26 en 1786). Début 19ème le port d’Honfleur est ruiné suite au blocus continental, les guerres du Premier Empire, la concurrence croissante du Havre.

Barfleur: au 18ème se livre à la pêche à la morue.

Granville: grand rival de Saint-Malo et 17ème et 18ème siècle jusqu'à la Révolution; sous Louis XVI, Granville armait plus de cent morutiers montés par 4 000 matelots et dirigés vers la pêche sédentaire à la côte; affaiblissement graduel au cours de le 2ème moitié du 19 siècle et disparition vers 1930; 37 navires en 1802, 16 au Grand Banc, 3 à Saint-Pierre et 18 à la côte; 8 terre neuviers en 1814 tous vers le grand banc; 37 navires en 1817 plus 15 destinés à Saint-Pierre; 54 en 1819; 58 en 1820; 59 en 1824; 61 en 1826; en 1827 début de la décadence de la pêche à la côte; 77 en 1840 dont 30 à la côte et 40 au Grand Banc; 84 navires en 1854 montés par 2 500 hommes.

En 1855, création d'un bassin à flot; 68 navires en 1856; 63 navires en 1858 dont 6 pour l'Islande; la pêche en Islande devait durer 20 ans - de 1858 à 1876 - avec 11 et 12 navires en 1864 et en 1865; 32 navires en 1867; 43 terre-neuviers en 1870; 36 en 1875 dont 1 au Golfe et 35 aux bancs; 36 en 1885; 27 en 1895; 40 en 1901; 24 en 1914; 8 ou 9 voiliers après la guerre.

A Granville donc, la pêche morutière reprend de la vigueur à la Restauration, avec 55 bateaux en 1819 84 navires, 2 531 marins, et 11 760 tonneaux en 1856, sous la houlette de grandes familles subsistant du siècle précédent : Le Mengnonnet, La Houssaye, Le Pelley et Girard, devenus hommes d'affaires et non plus hommes de mer. 27 armateurs se partagent 49 bâteaux en 1818. Ils se consacrent à la pêche errante par des lignes de fond fixées à des chaloupes puis à des doris et diversifient leurs activités avec la navigation au long cours et parfois la pêche à la baleine. Les noms se renouvellent et s'associent : Beust et Riotteau sont à la tête d'une flotte de quinze navires en 1859, 28 pour les associés Le Campion et Théroulde. Ils sont cette année-là 46 armateurs pour 118 navires.

La décennie 1860 marque le fléchissement de l'activité et le développement de la pêche en Islande, que n'embrassent guère les armateurs granvillais, et qui cesse entre 1882 et le lendemain de la Première Guerre mondiale. En 1904, la France abandonne le French Shore. Pour pallier au déclin en modernisant la flotte essentiellement composée de bricks et de trois-mâts carrés, Beust lance avec les Arcachonnais la Jeanne, chalutier à vapeur qu'il dirige lui-même, mais qui est un échec financier.

Sous l'effet de mauvaises campagnes et de difficultés de recrutement, il reste 27 bateaux en 1895, 33 unités pour 18 propriétaires en 1900. Quand éclate la Première Guerre mondiale, les 20 bateaux granvillais qui restent voués à la pêche morutière, ne représentent plus que 8 % de la flottille nationale. Ils sont affectés au transport de charbon, et 9 d'entres eux sont coulés par les sous-marins allemands, si bien qu'en 1919, il n'y a que le trois-mâts Normandie qui est armé.

Cancale: L’aventure morutière dura trente années de 1884 à 1914 ; on y compta 70 maisons d’armement dont 80% d’entreprises individuelles dont Adolphe Robin, 40 armements, Joseph Lessard, 40 armements, Jean Marie Lehoërf, 27 armements ; en tout 79 navires armés ; la pêche avait lieu exclusivement sur les bancs de Terre Neuve, au doris avec des lignes de fonds boëttées avec des bulots ; aucune expérience vers l’Islande ni à la côte de Terre Neuve.

36 hommes partent pour Terre Neuve en 1884, 519 en 1902, 916 en 1911 ; cette année-là une grève générale allait geler la campagne de pêche ; plusieurs armateurs iront poursuivre leurs activités à Saint-Malo dans l’anse Solidor.

La ville comptait quatre voileries avec 45 hommes, quatre ateliers de peintures avec 22 ouvriers, trois forges avec six ouvriers chacune, huit bouchers, 70 personnes pour les gréements, 90 personnes comme manœuvres, deux chantiers navals – Lhotellier et Bouychard - avec 48 ouvriers ; 54 fournisseurs de pommes de terre fournissent les 4,5 tonnes nécessaires par navire et par campagne.

Cancale et la région furent frappés par le naufrage corps et biens en 1908 du trois mâts « Villebois-Mareuil » avec trente trois hommes à bord ; en cours de ces trente années, 138 hommes de morutiers cancalais laisseront leur vie à Terre Neuve.

Sources : (mémoire de maîtrise de Mathieu Pilorget 1997 sur les armements cancalais).


Saint-Malo: au 18ème on envoie chaque année 50 à 60 navires sur le banc de Terre Neuve, quelques-uns aux îles Saint-Pierre et Miquelon et plus de 60 à l’île de Terre-Neuve ; par la suite 27 navires à la côte en 1803; 96 voiliers en 1865, 103 en 1912 et encore 20 voiliers à la veille de la seconde guerre mondiale

Daouet: 6 navires à Terre Neuve en 1857; envoie en 1900 6 navires en Islande et une seule à Terre Neuve; cesse au début des années 1920.

Le Légué: En 1820 : 22 bricks inscrits à la Grande Pêche, soit 1250 marins. Les primes pour la pêche à la morue encouragent les armateurs du Légué, dont les sieurs Denis, de Kerautem, Villeféron, St-Jouan, frères, Guibert et Corbel, Ruellan, Allenou, Sébert aîné, Besnard et Floch, Marie et le Pomellec (en 1828); 25 navires en 1857; en 1861 : 31 goélettes pour Terre-Neuve. En 1895 : apogée de la Grande Pêche à Terre-Neuve, puis redéploiement de la flottille pour l'Islande, 80 embarcations recensées. Le 1er quart du 20ème siècle annonce la fin de la Grande Pêche.

En 1900 : St-Brieuc et le Légué arment 9 navires (226 marins) pour la Grande Pêche sur un total de 59 navires pour les Côtes-du-Nord.

Saint-Brieuc: au quartier maritime de Saint-Brieuc, on dénombre: 11 terre neuviers en 1802; 24 navires en 1816; 38 en 1820; 43 en 1830; 44 en 1840; 35 en 1850; 77 en 1857 dont 9 pour Islande; 40 morutiers en 1863; 23 navires sur la côte est de Terre Neuve en 1867; en 1913 il y eut 4 navires pour Terre Neuve; ce furent ici les derniers.

Binic: 26 navires en 1857, 39 morutiers en 1863; 8 navires en Islande en 1900.

Etaples: scission de Binic et Etaples en 1821; 4 navires en 1857.

Pornic: 3 navires en 1857.

Portrieux: Les Quinocéens armèrent pour Terre-Neuve et Islande au cours des siècles passés jusque la fin du 19ème siècle (de 1612 à 1920), 6 navires en 1857.

Paimpol: Entre 1830 et 1850, le quartier de Paimpol comptait environ 3000 marins, dont 900 matelots engagés à la petite pêche (maquereaux, lieux, congres de ligne, grands crustacés au casier), 1300 marins embarqués pour la pêche à la morue et à la baleine et 900 marins au cabotage; à partir de 1852, la pêche sédentaire à Terre Neuve décroit - 4 morutiers sur le French Shore cette année-là; alors commence un vif intérêt pour la pêche à Islande; en 1857, il y aura 30 goélettes à partir à Islande et un seul navire à Terre Neuve: les premières goélettes sont construites sur place vers 1870; 3 navires pour Terre Neuve en 1860; 2 en 1861 en 1862 et en 1863, puis ce fût la fin ; l'apogée pour l'Islande vint dans les années 1860-1863; 8 navires pour 1860; 57 navires pour 1864, 34 pour 1866; 23 pour 1867 et 28 pour 1869, 39 pour l'ensemble du quartier maritime.

Ce port arme une dizaine de navires pour Terre Neuve entre 1885 et 1926; 21 navires en 1871; 4 navires en 1900; de 1863 à 1910, 48 voiliers partent en moyenne à Islande - 80 en 1895 - de 1895 à 1905, c'est l'apogée de la pêche à Islande - 19 en 1914, 7 en 1920, 2 en 1935; fin de la grand pêche en 1936.

Douarnenez: 21 navires en 1869.

Lorient: en 1802, 4 morutiers montés par 37 hommes d'équipage vont sur les Grands Bancs.

Nantes: il n'existe ici aucun armement, les navires y viennent seulement en décharge: 19 navires en 1822, 12 en 1835 - 500 000 kilos de morue verte et 72 000 Kg de morue sèche.

Les Sables d'Olonne: les armements y ont disparu malgré un glorieux passé dû à la présence du sel et des marais salants, seulement 4 navires en 1802 montés par 74 hommes.

La Rochelle: Grand port terre-neuvier au 16ème et au 17ème siècle; 4 navires au Grand Banc en l'an 10; 2 navires en 1924; puis quelques chalutiers dans les années 1930; par contre de nombreux morutiers vinrent à la Rochelle à la décharge, où il existait quelques sécheries.

Bordeaux: grand port de décharge à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, grâce aux sécheries de Bègles - 15 sécheries en 1877 - La saline, dernier témoignage de la pêche à la morue a été détruite en 2011; il subsiste seulement un musée de la pêche à Bègles.

Bayonne et les autres ports basques Saint Jean de Luz et Ciboure: Les heures de gloire avaient été avant la Révolution; les armements basques reprennent des activités au début du 19ème siècle avec toujours un grand attachement avec Saint-Pierre et puis des relations économiques avec les ports de la Manche, ceci par l'intermédiaire de Saint-Pierre.

Sète: grand port de décharge comme Marseille au cours du 18ème siècle; l'atout principal en est le sel; une relation commerciale importante y a existé avec les armements de Fécamp en 1848, 12 navires fécampois y déchargent.

Marseille: le plus grand port de décharge au 18ème siècle, surtout la morue sèche de la pêche à la côte de Terre-Neuve; ce port dessert toute la France sud ainsi que les pays de la Méditerranée; en 1835, 51 navires déchargent à Marseille; en 1882, 61 à la fin du 19ème des sécheries sont érigées dans la région de l'étang de Berre.

Pendant la période d’assistance à la « Grande pêche » par la Marine Nationale les quartiers maritimes les plus importants armant à la morue étaient Fécamp, Saint Malo et Bordeaux.


Sources: (Charles de la Morandière plus internet)

 

 

 

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